Figure de proue du revival post-punk anglais, IDLES ne fait pas de cadeau : ils attaquent, tailladent, tranchent. Armés de leurs riff vivifiants, leurs lignes de basse solides et leur textes incisifs, ils reviennent en force sur leur troisième album : Ultra Mono.
A l'image de la pochette, on se prend littéralement une grosse claque (ou un gros ballon rose) quand on appuie sur play et qu'on se fait happer par War et sa fougue sexpistolienne. Idles convoque ici la rage, la guerre, la violence et la douleur, tout comme sur la très engagée Grounds et ses paroles sans équivoque : "Do you hear that thunder?/That's the sound of strength in numbers". C'est là qu'apparait pour la première fois la formule phare du disque, répétée comme un mantra tout au long des douze chansons : I Am I, qu’on retrouve évidemment sur le single Mr. Motivator. Ces trois minutes quinze sont parsemées de références, en vrac, à des boxeurs, des artistes, des présentateurs télé et bien d’autres. Au premier abord, certaines phrases semblent un peu vide de sens, un peu comme si elles avaient été créées sur un site qui génère des paroles au bol, mais au moment du "How you’d like them clichés", la chanson remonte en puissance en apportant un refrain complètement génial, et, il est vrai, assez motivant : "Let’s seize the day/All on hands/Chase the pricks away/You can do it/You can do it/Yes you can". Balancer ce titre comme premier single, c’était la garantie d'un album qui tabasse, qui fait comme un coup de poing dans le ventre. Et pour l’instant, on n'est pas déçu. Anxiety frappe juste, avec des paroles on ne peut plus explicites ("Our government hates the poor"). Idles a souvent tendance à user de formules fortes et de punchlines qui claquent, pas toujours très subtilement, mais toujours avec franchise (et c’est rien de le dire). Là, ça fonctionne.
Euh... quoi ? Une chanson d’IDLES qui commence avec de doux accords de piano ? Attendez, mais... ah non, pas de panique : la cavalcade de Kill Them With Kindness fait trembler les murs avec son excellent refrain. Néanmoins, on commence à ressentir une certaine lassitude dans cette chanson, un côté répétitif mais qui sera vite balayé par le single Model Village. Textes se moquant sans concession de la vie en Angleterre enveloppés dans une batterie à la Ramones et une guitare (un peu à la Strokes, si vous voulez mon avis) effrénée, ce titre a tout d’un hymne contestataire comme on en fait plus. C’est vraiment le morceau qui représente la pochette dans toute sa brutalité et sa beauté, et assurément le sommet de l’album, en plus d'avoir un clip très bien réalisé. Ensuite vient Ne Touche Pas Moi, en featuring avec Jenny Beth, chanteuse de Savages. Attention, c’est bien le titre : Beth leur a expliqué que ce n’était pas juste en français, mais ils trouvaient que cette formulation était plus honnête. Pourquoi pas, hein. C’est donc un titre aux paroles anti-harcèlement, plein d’énergie, et qui ne fait que renforcer cette envie de changer la société qu’on ressent depuis le début de l’album (et les débuts d’IDLES).
A partir de Carcinogenic, on sent un léger changement d’ambiance : plus sombre, peut-être moins rapide, le chant de Joe Talbot se fait carrément sauvage, presque animal. Cette fois le thème, c’est la corruption du gouvernement, qui "ronge la société comme un cancer". Idles mène quasiment un combat par chanson, tentent d’être sur tous les fronts à la fois. Ce titre, en particulier, il faut un peu de temps pour l’apprécier mais il se révèle excellent une fois bien assimilé. Reigns et son atmosphère glauque, ses paroles ouvertement anti-aristocratie ("How does it feel to have blue blood coursing though your veins", répété tout du long de la chanson) et son rythme monotone et monochrome (un rythme vraiment Ultra Mono, au final) manque un peu sa cible. Ce n’est peut-être que mon impression, mais je trouve que le côté contestataire commence à s’épuiser pour ne devenir qu’une sorte de parodie de lui-même. Enfin, ça reste d’un très bon niveau, mais on se lasse vite de ce morceau.
"Qu’est ce qui pourrait faire plus Idles que d’écrire une chanson d’amour avec beaucoup de gros mots ?" raconte Joe Talbot à propos de The Lover, une des dernières chansons de l’album. En effet, c’est le seul véritable témoignage d’amour de Ultra Mono et, même si musicalement, l’énergie reste inchangée, ça fait du bien d’avoir une pause au milieu de ce tourbillon de combats, de résistance et de contestation.
Le moment le plus triste et mélancolique de l’album arrive : c’est A Hymn, cinq minutes de réflexions désabusées sur la vie et les problèmes qui vont avec. Ca rappelle un peu le No de Fontaines D.C., en plus nerveux, avec une basse constante qui martèle les oreilles tout du long. Cela aurait pu être le dernier morceau, mais non, Danke et son refrain emprunté à Daniel Johnston ("True love will find you in the end") vient remettre une couche de post-punk pas forcément nécessaire. Enfin, le morceau est très bon, mais le placer en dernière position est un choix un peu étrange. Mais cela permet au moins que la dernière phrase de l’album soit "I am I", répétée une ultime fois pour synthétiser tout ce que l’on avait entendu avant. Et la boucle est bouclée.
Idles - Ultra Mono, disponible maintenant via Partisan Records
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