Avant même de l'écouter, on pouvait déjà saluer l'exploit : à 78 ans, le vieux Beatle sort son dix-huitième album solo et met enfin un point final à une trilogie commencée cinquante ans plus tôt avec le premier McCartney, qui renfermait déjà des classiques comme Maybe I'm Amazed ou Junk. Et puis dix ans plus tard, marquant la fin des Wings, le deuxième volet sort avec une couleur beaucoup plus électronique et un son qui préfigure la décennie 80s à venir. Et puis enfin, pendant le confinement, Macca sort les instruments et enregistre une dizaine de morceaux en quelques jours dans sa grande baraque dans le Sussex, s'organise un shooting photo avec sa fille Mary McCartney, et enfin commence à teaser sur ses réseaux sociaux fin août. Le résultat de tout cela, c'est onze morceaux, pour 45 minutes de pop plutôt pas mal : McCartney III.
Par contre, la pochette est laide. McCartney est sans doute un génie et un des plus grands musiciens de tous les temps, mais dernièrement, il a tendance à se lâcher sur les artworks de ses albums (Egypt Station ? Memory Almost Full ?). Mais alors là, cet énorme dé en synthèse, ça ne donne pas envie. Enfin bref. La première fois que j'ai écouté ce disque, j'ai été terriblement déçu : tout semblait vague, vide, bâclé. Il n'y avait pas d'étincelle, c'était juste un disque moyen de Paul McCartney, qui entre par une oreille et sort par l'autre. Et puis, petit à petit, au fil des écoutes, quelque chose se passe. On fredonne l'irrésistible mélodie du single Find My Way (je ne peux pas m'empêcher d'avoir un gros sourire en regardant le clip), on apprécie les harmonies et la folkitude de Pretty Boys (à propos des paparazzis qui le suivent et l'emmerdent depuis l'époque Beatles), le bon blues-rock de Slidin' nous fait secouer la tête, contrastant avec la douceur de The Kiss Of Venus... La production est beaucoup moins envahissante que sur Egypt Station (2018) et contribue beaucoup au côté assez intime du disque, notamment sur les trois ballades acoustiques. On sent qu’il a créé cet album comme il le voulait, sans obligations et sans stress, et la plupart du temps, ça fonctionne extrêmement bien.
J'ai bien dit "la plupart du temps". Car ce disque contient une chanson véritablement mauvaise, ou au moins complètement inutile. Je veux parler ici de Deep Deep Feeling. Cette épopée de huit minutes vingt-cinq est véritablement une épreuve à écouter, un bon gros casseur d'ambiance comme on les aime (pas). Les paroles n'ont aucun interêt, les arrangements sont pauvres, je ne sais pas ce que McCartney essaie de faire ici, mais en tout cas, ça ne marche pas. Mais alors pas du tout. Je n’arrive pas à comprendre simplement, à quel moment dans le processus créatif, il s’est dit que ça serait une bonne idée de placer cette énorme scie ennuyeuse à mourir en plein milieu de l’album histoire de ruiner toute la vibe. Néanmoins, on trouve dans la deuxième moitié de McCartney III plusieurs excellentes chansons, comme Seize The Day et sa ligne de basse descendante qui rappelle le temps des Fab Four, ou Winter Bird/When Winter Comes, un fond de tiroir datant de 1992 mais qui clôt parfaitement le disque.
Au final, cet album... c’est certainement le moins intéressant des trois McCartneys. Il manque un peu de consistance, il ne semble pas très abouti et possède de sérieuses longueurs. En même temps, c’est aussi ces défauts qui le rendent touchant : Paul McCartney vieillit, mais il s’amuse, continue à créer avec brio des mélodies quasiment imparables, et même si tout est loin d’être parfait, il prouve qu'il est encore capable, et ça fait du bien.
Paul McCartney - McCartney III disponible maintenant via Capitol Records
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