Dans un monde parfait, The Blue Nile aurait eu un énorme succès et leurs albums seraient devenus des immenses classiques. Malheureusement, ce n'est pas exactement ce qui s'est passé. Mais ce groupe mérite qu'on parle de lui, et ça tombe bien, voici leur histoire.
Kerstin Rodgers / Getty Images
Si on devait donner une description précise de la musique de The Blue Nile, on pourrait dire que c'est de l'électro-pop/art-rock-atmosphérique. Musicalement, c'est assez proche de Depeche Mode (en plus expérimental) ou de Joy Division. Mais commençons donc la biographie du groupe.
Le noyau du Blue Nile, ce sont trois amis d'université, originaires de Glasgow : Paul Buchanan, guitariste et chanteur, Robert Bell, bassiste et Paul Joseph Moore, claviériste. Buchanan est né en 1956, dans une banlieue de Glasgow. La musique est assez présente dans sa jeunesse, mais c’est à l’université qu’il commence sérieusement à s’y intéresser. Robert Bell, lui, a vu le jour en 1952. Il grandit aux côtés de Buchanan, et ils se retrouvent ensemble à l’Université de Glasgow, dans les années 70. C’est là que les deux amis écrivent leurs premières chansons : "Je pense que je me suis tourné vers la musique car c’était un moyen de se connecter à soi-même. Tu mets deux notes ensemble, et si ça te semble bien, si ça te rend heureux ou triste, alors c’est ça qui compte", dira Paul Buchanan en 2013. Paul Joseph Moore (PJ, pour les intimes) est le plus jeune : il est né en mars 1957. Bien qu’habitant dans le même quartier que Buchanan, il ne le rencontre que plus tard, lors de ses étude. Les trois jeunes intègrent d’abord un groupe nommé McIntyre, qui se transforme en Night By Night. Peu à peu, les autres membres quittent le projet, et Paul, Robert et PJ sont seuls maîtres à bord. Ils décident tout de même de continuer. Problème, ils n’ont pas de batteur : solution, ils utiliseront des boîtes à rythme ! Et voilà, l’aventure est lancée : le groupe se renomme The Blue Nile et enchaîne les concerts dans les clubs du coin. Leur répertoire est composé de tubes de musique latine, et pas vraiment de leurs propres chansons. Il faudra attendre 1981 pour la sortie de leur premier single : I Love This Life, un titre assez dansant, mais qui ne connaît quasiment pas de succès. Rien de nouveau ensuite jusqu'en 1984 et la sortie du tout premier album de la formation : A Walk Across The Rooftops.
Pochette du premier album
"Le but était de faire un disque aussi bon et intemporel que possible", dira plus tard Paul Buchanan. Et pour le coup, c'est plutôt réussi. En plus d'avoir un des meilleurs noms d'albums de tout les temps (à égalité avec Definitely Maybe, par Oasis, je trouve), l'album a vraiment cristallisé tout ce que la pop synthétique pouvait produire de mieux pendant les années 80. C'est court, seulement 7 titres pour 38 minutes, mais c'est exactement ce qu'il faut : plus, ça aurait été redondant et moins, on serait resté sur notre faim. Donc, c'est pas loin d'être un album parfait. Le son est ultra-sophistiqué, les nappes de claviers sont parfaitement harmonisées avec la voix mélancolique de Buchanan. D'ailleurs je trouve que Julian Casablancas sonne un peu comme lui, non ? Bref : parmi les meilleurs morceaux, Stay possède des petits moments funky assez irrésistibles, les violons de Tinseltown In The Rain lui donne un côté grandiose et le synthétiseur de From Rags To Riches rappelle un peu l'intro de Baba O' Riley, par les Who... mais toutes les chansons sont vraiment des pépites de synth-pop, art-rock et autres electro-new-wave (je ne sais pas si ce terme existe, mais bon).
Le disque fut malheureusement un échec commercial, mais la liste des musiciens qu'il a influencé est assez impressionnante : Rickie Lee Jones, Peter Gabriel, Annie Lennox ou encore Phil Collins (je le mets en dernier, parce que bon, Phil Collins...). De plus, les critiques sont excellentes et A Walk Across The Rooftops est maintenant considéré comme un classique du genre.
Étonnement, les membres de The Blue Nile sont fans de punk-rock. Ça ne se ressent pas forcément dans leur musique (bien que leurs méthodes d'enregistrement, assez artisanales, témoignent d'une certaine attitude rebelle), mais des groupes comme les Clash, les Sex Pistols ou Television sont très appréciés des trois membres.
Après la sortie du premier album, le trio ne donne aucun concert pour le promouvoir, et pendant 5 ans disparaît plus ou moins de la circulation jusqu'en 1989 et l'album Hats.
Cette longue période d'attente, c'est la faute au syndrome de la page blanche : Buchanan n'arrive plus à écrire de chansons, sous la pression de la maison de disques. Mais malgré tout, Hats sort en octobre 1989.
Cet opus est bien souvent considéré comme le meilleur du groupe, à juste titre. Si c'était possible d'être encore plus en harmonie que sur A Walk Across The Rooftops, eh bien, ils l'ont fait ici. Malgré sa pochette un peu moche et datée, la plupart des morceaux qu'on trouve ici sont excellents, comme Let's Go Out Tonight, certainement un des plus connus du trio, Seven A.M., très électro ou Over The Hillside, porté par la voix puissante de Buchanan. C'est véritablement le sommet du groupe, musicalement ou commercialement, puisque Hats atteindra la 12ème place des charts.
Tout va donc pour le mieux pour The Blue Nile, qui commence à se faire connaitre aux Etats-Unis (Hats s'est classé 108ème au Billboard 200) avant d'entamer une grande tournée au Royaume-Uni qui se termine en apothéose à Glasgow, leur ville natale. En 1992, Buchanan se la joue un peu solo et signe un contrat pour le groupe avec Warner Bros. Records, sans informer Bell et Moore. Pas très sympa, mais ce n'est pas grave : The Blue Nile commence à chercher des endroits pour enregistrer leur troisième album du nom de Peace At Last.
C'est un peu l'album du changement : dès la première chanson, Happiness, les synthés et effets sonores omniprésents sur les premiers disques ont laissé la place à une guitare acoustique et... des chœurs de gospel ? Surprenant, mais néanmoins, ça marche bien. L'album a un son plus organique, comme sur Tomorrow Morning ou Love Came Down, où la guitare est vraiment omniprésente, tout comme sur Body And Soul. Bien sûr, les claviers et le côté atmosphérique propre au groupe est toujours là, mais c'est quand même un véritable changement de style (le disque est aussi beaucoup plus positif et joyeux) par rapport aux précédents albums. On peut citer aussi que le groupe a cette fois engagé un vrai batteur, un certain Nigel Thomas.
L'album se classe 13ème dans les charts, mais les critiques sont moins positives que pour Hats. C'est peut-être pour ça que le trio disparaît des radars jusqu'en 2004. Enfin, ils donnent quand même un concert au festival de Glastonbury, en 97, et puis plus rien. Ce n'est que 7 ans après Peace At Last que le groupe sort son quatrième album : High.
Ce disque est un mélange entre les ambiances sonores électro de Hats et le côté acoustique de Peace At Last, mêlées à la spleen de A Walk Across The Rooftops. Le site MusicOMH, dans leur review de l’album, s’était exprimé comme ceci : "Peut-être qu’ils apparaissent seulement à la même fréquence que la Comète de Halley, mais ce sont des disques comme High qui rappellent pourquoi The Blue Nile est aussi bien considéré", et c’est très vrai.
Laissez-moi vous citer quelques-uns des meilleurs morceaux : I Would Never, le premier single, qui rappelle les années 80, The Days Of Our Lives, très atmosphérique ou encore la géniale Soul Boy.
Le seul problème, c’est que des tensions commencent à se faire sentir entre Buchanan, Bell et Moore. En fait, ce dernier a carrément coupé les ponts avec les deux autres après la sortie du disque. Et donc, High est pour l’instant le dernier album du groupe. Depuis, à part quelques rééditions ces dernières années, silence radio.
Le moins qu’on puisse dire, c’est que The Blue Nile n’est pas un groupe productif et préfère la qualité à la quantité. Mais leurs albums valent vraiment le coup si vous aimez la musique electro, les synthétiseurs et les belles voix mélancoliques !
Playlist :
Les indispensables :
A Walk Across The Rooftops (1984)
Hats (1989)
Aller plus loin :
Peace At Last (1996)
High (2004)
Paul Buchanan - Mid Air (2012)
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