Born again. C’est le terme qu’on utilise pour désigner quelqu’un qui s’est soudainement converti au christianisme, une "renaissance". C’est arrivé à Bob Dylan au début des années 80, et c’est le sujet de notre article.
Déjà, d’emblée : Dylan a fait de très bonnes chansons durant sa période biblique, et il en joue encore en concert ("Lenny Bruce", dernièrement). Mais il a fait aussi des morceaux qui ne devraient même pas être évoqués tellement ils sont nuls et sans intérêt.
Bref, reprenons depuis le début.
Pour rappel, voici une rapide biographie de Bob Dylan : né en 1941 dans le Minnesota, il sort son premier album en 1962, presque entièrement composé de reprises folk, puis The Freewheelin' Bob Dylan en 63, qui est un des plus grands disques de tous les temps. Dès 1965, il se met à la guitare électrique, et sort trois chefs-d’œuvres à la suite. En 1966, il est victime d’un accident de moto, et disparaît plus ou moins de la circulation jusqu’en 1973. Très populaire après son retour, il enchaîne les concerts et sort une nouvelle masterpiece en 1975 : Blood On The Tracks. Puis Desire, un album au son un peu gitan. C’est là que le déclin commence après Street Legal en 78. Et notre histoire commence ici.
LA CONVERSION AU CHRISTIANISME
Bob Dylan est juif. Il est né Robert Allen Zimmerman et d’origine ukrainienne et litunaise. Mais en 1979, il décide de passer cinq mois à étudier la Bible et devient catholique, comme ça, un peu sur un coup de tête.
Voici la raison principale : les journalistes n’ont pas vraiment apprécié l’album Street Legal (qui contient pourtant des super chansons), sorti en 1978, ce qui a pas mal déprimé Dylan. En plus, la tournée qui suit n’est pas géniale et n’est pas très bien accueillie par les critiques musicaux. Un soir, en novembre 78, quelqu’un dans le public, voyant que Bob n’est pas en grande forme, jette sur scène une petite croix en argent. "D’habitude, je ne prends pas les choses qui arrivent sur la scène. De temps en temps, je le fais. Des fois, non. Mais j’ai regardé cette croix et je me suis dit "Je dois la prendre", dira Dylan en 1979.
Peu après, il a des visions : Jésus lui apparaît dans une chambre d’hotel, pose sa main sur lui, et le sauve (enfin, c’est ce qu’il dit). Ça y’est, Dylan croit maintenant en Dieu.
Dylan est donc complètement purifié, et il commence un peu à énerver le monde : pendant qu’il joue "Tangled Up In Blue", par exemple, (chanson de 1975, bien avant la conversion), il change les paroles pour y caser des références à la Bible, etc. Et puis il commence aussi à écrire des morceaux sur ce thème, en commençant par "Slow Train". Ce sera le début d’une nouvelle période pour Dylan, inaugurée par un album : Slow Train Coming.
ACTE I
Pochette de Slow Train Coming
Avant d’être vraiment considéré comme chrétien, Bob Dylan doit faire un "stage" (si on peut appeler ça comme ça, c’est pas non plus faire des photocopies et des cafés hein) de trois mois pour étudier la Bible et tout ce qui va avec. "Au début, je disais : "C’est hors de questionque je passe trois mois à faire ça", racontera t-il plus tard. Mais bon, finalement il l’a fait quand même, et c’est plein de foi en Dieu qu’il débute les sessions d’enregistrement de Slow Train Coming.
Le guitariste ? Un certain Mark Knopfler, du groupe britannique Dire Straits, qui n’était pas au courant du caractère biblique de l’album avant le début de l'enregistrement.
Le batteur ? Pick Withers, un autre membre de Dire Straits.
Le producteur ? Jerry Wexler, que Dylan essaiera de convertir pendant l’enregistrement, un des plus grands : il a produit Ray Charles où Led Zeppelin, pour ne citer qu’eux.
Les chansons ? Le hit "Gotta Serve Somebody", qui remportera un Grammy Award, le deuxième hit un peu reggae "Man Gave Name To All The Animals", "Slow Train" et ses choeurs gospel... tous les morceaux sont bourrés de références à Dieu et à la religion. Le son est plutôt basé sur la guitare, et se situe dans un style assez moderne et commercial. Jusque là, ça va, Dylan a encore à peu près les pieds sur terre. Par contre, il ne veut plus jouer ses vieilles chansons en concert, refusant de chanter "les morceaux que le Seigneur ne lui a pas apporté". Vous vous en doutez, ça agace les fans et les critiques, mais Dylan s’en fout, il continue quand même.
ACTE II
Pochette de Saved
Oulah. La pochette. Je ne sais pas vous, mais j’ai bien l’impression qu’on fait référence à Jésus ici, non ? Eh oui, Bob est toujours croyant et pratiquant, et ça se sent dans son nouvel album, sorti en 1980 : Saved. Un titre plus qu’explicite, donc. C’est cet album qui remporte la Palme de la pire pochette jamais produite par Dylan. Ça tombe bien, c’est aussi un de ses plus mauvais albums.
Dylan a appliqué la même formule que sur Slow Train Coming : le même producteur, le même studio à Muscle Shoals et la même foi en Dieu. Sur son prédécesseur, ça avait marché (même si ce n’est pas un chef-d’œuvre non plus) : sur Saved, la recette ne prend plus. Dylan s’enfonce dans son délire chrétien, raillé par la critique et délaissé par ses fans.
Musicalement, l’album ne contient aucun, je dis bien aucun classique de Dylan : on retrouvait "Gotta Serve Somebody" sur Slow Train, et plus tard "Every Grain Of Sand" sur Shot Of Love, "Brownsville Girl" sur le malheureux Knocked Out Loaded... c’est bien le seul disque de l’artiste qui ne contient absolument aucun titre remarquable. Éventuellement, "Covenant Woman" et "Saved" sont à peu près écoutables, et "In The Garden" passe encore, mais le reste... on l’écoute une fois, et puis on le range, très très loin de Blonde on Blonde et autres Highway 61 Revisited.
ACTE III
Pochette de Shot Of Love
Dylan se rend bien compte que les gens ne sont pas fans de son virage chrétien, donc pour son nouvel album, il va changer de méthode : des chansons religieuses, oui, mais aussi des morceaux sans références à Dieu toutes les deux lignes. Cet album, c’est le dernier de sa trilogie évangélique : Shot Of Love. Comparé à son prédécesseur, ce disque est un chef-d’œuvre. Mais seulement dans ce cas là : sinon, on voit bien que c’est un album très très médiocre.
Le producteur n’est plus Jerry Wexler : il a été remplacé par Chuck Plotkin, qui avait déjà travaillé avec Bruce Springsteen notamment sur Darkness on The Edge Of Town. Le son est aussi différent, plus rock, plus dépouillé.
Shot Of Love se démarque par deux chansons : d’abord, "Lenny Bruce", une ballade au piano dédiée à l’humoriste et réalisateur du même nom. C’est un morceau très réussi et que Dylan joue encore en concert régulièrement. Et on retrouve aussi "Every Grain Of Sand", la toute dernière piste du disque, la seule qui attira vraiment l’attention à sa sortie. C’est une chanson calme, avec une belle guitare, et c’est dommage qu’elle se trouve sur un albun aussi raté. On peut également dire que la chanson-titre est pas trop mal, en fond sonore, elle peut passer, mais ça ne vole pas très haut.
Et enfin, vous vous rappelez de la pochette de Saved ? Dylan a réussi à égaler cette horreur avec celle de Shot Of Love, une espèce d’explosion en mode pop art véritablement moche.
Mais heureusement, c’est la fin de la trilogie évangélique : Bob Dylan se reconvertira juif dès 1983, enchaînant avec le très bon album Infidels. Mais c’est encore une autre histoire, on vous la racontera la prochaine fois !
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