Citez un groupe de rock commençant par B. Il y a de fortes chances que vous parliez des Beach Boys, des Byrds, de Buffalo Springfield ou encore des Beatles. Mais ceux dont le nom est trop souvent relégué aux oubliettes, c'est Big Star. Injustement sous-estimés, trop souvent oubliés, alternative avant l'heure, leur histoire est assez chaotique : ça tombe bien, voici un article pour tout vous expliquer.
Big Star en 1972 (Photo par Michael Ochs Archives/Getty Images)
La Rencontre
Big Star, c'est avant tout le groupe du chanteur et guitariste Alex Chilton.
Chilton nait en 1950 à Memphis. Son père est musicien de jazz, et au lycée, il rejoint un groupe, à l'âge de 16 ans. Il fut donc le chanteur de ce qui allait devenir les Box Tops, un groupe de rock psyché, connu pour le tube "The Letter" en 1967. Mais la façon dont leur maison de disques les traite ne convient pas à Chilton, qui décide de quitter le groupe en 1970. Après avoir passé quelques temps à New-York, il retourne à Memphis et rejoint Icewater.
Dans ce groupe, on trouve Chris Bell (né en 1951, à Memphis), Andy Hummel et Jody Stephens, Après le départ de leur chanteur et l'arrivée d'Alex Chilton, ils se renomment Big Star, du nom d'une chaîne de supermarchés (carrément rock n' roll), et c'est comme ça que ça commence.
Le groupe sort son tout premier album, #1 Record en 1972. Même avec ce titre, il fut bien loin d'atteindre la première place : il ne fut même pas distribué dans les magasins, à cause de leur label, Ardent, et donc s'est vendu à moins de 10'000 copies, à sa sortie. Malgré ça, les critiques furent extrêmement positives et ça se comprend : l'album aligne les grandes chansons en mélangeant le rock américain avec la pop anglaise, avec des titres comme "Don't Lie To Me", la plus connue "Thirteen" ou l'injustement sous-estimée "Give Me Another Chance".
Thirteen, single du premier album :
Tensions & départs
Après l'échec commercial de #1 Record, des tensions (comme des lancés de guitares sur les murs, par exemple) se firent sentir au sein du groupe, ce qui amène à leur séparation à la fin 1972. C'est provisoire, heureusement : Hummel, Stephens et Chilton se retrouvent quelques mois plus tard, mais sans Chris Bell, qui quitte définitivement le groupe.
Et c'est en trio qu'ils enregistrent donc Radio City, album essentiel. Le titre fut choisi car ils avaient l'espoir de passer souvent à la radio. Raté, c'est encore un bide commercial, avec 20'000 ventes. Mais c'est sur ce disque qu'ils trouvent leur véritable son, leur signature, que ce soit avec "Life Is White", "O, My Soul" ou "September Gurls", un vrai classique de la pop, avec de superbes harmonies de la part du groupe. Cet album a un son et une production parfaite, ce qui le rend indispensable.
L'année suivante, en 1974, Big Star se prépare à enregistrer son troisième opus, Third, sans le bassiste Andy Hummel, parti finir ses études et quittant donc le groupe. Le disque ne sortit pas avant 1978, à cause d'un problème avec leur maison de disque (décidément).
L'ambiance est plus triste et mélancolique, ce qui n'a rien à voir avec les deux premiers disques, et l'album est encensé à sa sortie comme leur meilleur. Rolling Stone dira même qu'il est "extraordinaire" et que c'est le plus abouti du trio. C'est vrai que toutes les chansons sont magnifiques, elle s'enchaînent parfaitement, de "Kizza Me" à "Downs", en passant par l'étrange "Kanga Roo". L'album contient également une repris du Velvet Underground, "Femme Fatale", groupe qui fut une des principales inspirations de ce disque.
Jamais deux sans trois, ce ne fut pas un succès commercial, et en plus le groupe se sépara peu avant la sortie. Et c'est la fin de l'aventure. Ah, non, attendez, c'est pas fini.
Les années passent...
Chris Bell, qui avait quitté le groupe en '72, souvenez-vous, était tombé en dépression, mais avait sorti quand même un single. Il s'appelle I Am The Cosmos, et fit plus tard partie de l'album du même nom. Malheureusement, quand le disque sortit, Bell était déjà mort : le 27 décembre 1978, il perdit le contrôle de sa voiture, et se planta contre un poteau. Il mourut sur le coup.
La même année, le troisième album de Big Star, Third, sortit enfin, renommé Third/Sister Lovers. Le disque devint culte, et plein de groupes se dirent influencés par la musique de Chilton (R.E.M, pour ne citer qu'eux). Puis, pendant quinze ans, rien à signaler.
Et en 1993, surprise ! Big Star se reforme, 20 ans après, avec Jody Stephens et Alex Chilton, accompagnés de Jon Auer et Ken Stringfellow, tous deux membres des Posies (groupe également très influencé par Big Star).
Au départ, c'était juste pour un concert dans le Missouri, qui deviendra un album live, mais ils enchaînent avec une grande tournée en Europe et au Japon. Pas de nouveau disque à l'horizon, par contre. Dans les années 90, ils se reforment de temps en temps pour quelques concerts, et enregistrent même un morceau inédit pour une compilation sortie en 2003 (leurs albums sont déjà des best-of en fait).
Et puis, en 2005, c'est le retour : Chilton, Stephens, Auer et Stringfellow se retrouvent en studio, et enregistrent le quatrième album de Big Star : In Space.
Aussi appelé : "Venez, on fait la pochette la plus laide possible". Non, sérieusement, la pochette n'est pas très réussie, mais l'album est plutôt bon.
Nouvel album et fin du groupe
Bien qu'il n'atteigne -de loin- pas le niveau de la trilogie 70s, In Space possède des chansons vraiment géniales, comme "Lady Sweet" ou "February’s Quiet". Bon, il y a aussi quelques morceaux de remplissages ("Love Revolution") ce qu’on ne trouvait pas sur les trois premiers albums, mais dans l’ensemble c’est un bon disque.
Les années suivantes, le groupe apparait ça et là en concert, mais sans jamais faire de vraies tournées. Et ils n’en auront pas l’occasion : le 17 mars 2010, Alex Chilton décède d’une crise cardiaque, à l’âge de 59 ans.
Les membres survivants se réunissent, avec l’ancien bassiste Andy Hummel et d’autres invités, pour un concert hommage au festival South By Southwest, à Chicago, là ou Big Star aurait du jouer le samedi suivant la mort de Chilton.
Et puis, quatre mois plus tard, c'est Andy Hummel qui meurt, d'un cancer. Le dernier des membres originaux survivants, le batteur Jody Stephens organise en décembre 2010, avec des invités, un grand concert sous le nom de Big Star's Third. Puis un autre, en 2011, à New-York. Puis à Londres, Sydney, Athènes, bref : en 2020, le groupe est encore en activité et participe à des festivals et des concerts, en jouant la musique du troisième album, Third/Sister Lovers.
Même si Big Star n’a pas eu le succès mérité, ils ont influencé des dizaines de groupes, écrit quelques uns des meilleurs albums des années 70, sont maintenant considérés comme l'un des meilleurs groupes de rock de leur génération.
C’est pas si mal finalement, si ?
Playlist
Les classiques :
#1 Record (1972)
Radio City (1974)
Third/Sister Lovers (1978)
Aller plus loin :
Columbia: Live at Missouri University 4/25/93 (1993)
Nobody Can Dance (1999)
In Space (2005)
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